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Les grands artistes du Vietnam : la tradition, la modernité et l'influence majeure de l'École des Beaux-Arts de l'Indochine (EBAI)

  • Photo du rédacteur: Evaluart
    Evaluart
  • 19 mars
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 25 mars








Le Vietnam est un pays très riche en culture et l'art occupe un grand rôle depuis longtemps. Des pagodes sculptées aux fresques murales anciennes, passant par les objets de rite et les décorations en laque, l'histoire de l'art vietnamien est un tissage subtil de raffinement, de spiritualité et de refuge devant la nature. Mais c'est vers le début du XXe siècle qu'un profond renouveau se produit : sous l'influence de l'art occidental, une génération d'artistes va réinventer l'esthétique vietnamienne, lui donnant un souffle nouveau sans trahir ses origines.


Au centre de cette révolution artistique se trouve une institution fondatrice : l'École des Beaux-Arts de l'Indochine (EBAI), créée à Hanoï en 1925. Cette école sera un lieu d'hybridation, de transmission et de création, donnant lieu à une renaissance véritablement artistique vietnamienne.



L'École des Beaux-Arts de l'Indochine : un pont entre Orient et Occident


Jeune Femme en train de se peigner, Nguyen, Phan-Chanh, 1933
Jeune Femme en train de se peigner, Nguyen, Phan-Chanh, 1933

L'École des Beaux-Arts de l'Indochine est fondée par Victor Tardieu, un artiste français fasciné par l'Asie, et Nguyen Nam Son, un artiste vietnamien autodidacte. Leur rêve : former une élite vietnamienne pour permettre à l'art académique européen d'entrer en contact avec les techniques et les sensibilités traditionnelles vietnamiennes. Cette école, la première en Asie du Sud-Est, s'inspire du modèle parisien tout en y apposant une expertise locale.


Les étudiants y apprennent l'anatomie, la perspective, le dessin d'école, la peinture à huile, mais aussi la peinture sur soie, la laque, la sculpture en bois et la gravure. Cette entremêlement des techniques permet l'apparition d'un langage métissé de l'art, qui va fortement émouvoir les générations futures.


L'EBAI fut non seulement un lieu d’apprentissage, mais aussi un foyer intellectuel, où se croisent traditions millénaires, pensée moderne et aspiration à une identité artistique vietnamienne autonome.



Grands noms de l'art moderne vietnamien


Plusieurs artistes emblématiques asiatiques provenaient de cette école et ont marqué durablement l'histoire de l'art vietnamien. Leur création reflète l'union entre enracinement local et ouverture universelle.


Nguyễn Gia Trí (1908–1993)


Incontournable figure de la laque moderne, Nguyễn Gia Trí a révolutionné cette ancienne technique en l'élevant au rang d'art majeur. Il explore des compositions monumentales, symbolistes, souvent peuplées de femmes, de paysages oniriques ou de motifs floraux stylisés. Sa maîtrise des couches superposées, des incrustations de coquilles d'œuf, de nacre et d'or donne à ses œuvres une profondeur et une lumière uniques. Il est aujourd'hui considéré comme le maître absolu de la laque picturale vietnamienne. Il se distingue même dans les autres domaines de l'art vietnamien, notamment dans la sculpture.


Tô Ngọc Vân (1906–1954)


Humaniste et peintre lyrique, Tô Ngọc Vân excelle dans la scénographie de la vie quotidienne, des femmes, des paysages ruraux. Formé à l'EBAI, il oppose à une sensibilité poétique très vietnamienne un style de peinture influence par l'impressionnisme. Son tableau emblématique "La jeune fille au lotus" est devenu une icône nationale. Il meurt en 1954, en plein milieu de la guerre d'Indochine, en enseignant dans la résistance. Son œuvre témoigne de la finesse de l'âme vietnamienne au milieu de l'épreuve de l'histoire.


Nguyễn Phan Chánh (1892–1984)


Il est le champion de la peinture sur soie contemporaine. Il travaille à la main, avec untrait fin et une palette délicate, et il représente des scènes de la vie villageoise, des femmes au travail, des enfants, des marchés. Son style est rempli de douceur, de silence et de dignité. Il aide à faire de la soie un support noble et expressif, en dehors de son usage traditionnel.


Femme au chignon, Lê Phô [黎譜Lê Phổ] (1907-2001), Hanoï, 1931
Femme au chignon, Lê Phô [黎譜Lê Phổ] (1907-2001), Hanoï, 1931

Lê Phổ (1907–2001)


Diplômée de l'EBAI, il poursuit sa carrière en France, où il devient un des artistes vietnamiens les plus prisés à l'échelle internationale. Influencé par le fauvisme et par la peinture décorative, Lê Phổ réalise des peintures emplies de couleurs, axées sur la figure féminine, les fleurs ou la maternité. Il est un des membres de cette école d'artistes vietnamiens de la diaspora qui a réussi à mêler sa culture d'origine avec les sujets moderne européens.




Baignade, Mai-Thu [枚中栨Mai Trung Thứ] (1906-1980), 1962
Baignade, Mai-Thu [枚中栨Mai Trung Thứ] (1906-1980), 1962

Mai Trung Thứ (1906–1980)


Aussi titulaire d'un diplôme de l'EBAI, Mai Trung Thứ se fait immatriculer en France et développe un style tout à fait personnel, raffiné, d'une éternelle tendresse nostalgique. Il pratique plutôt la peinture sur soie qu'il illustre par une pince fluide, élégante. Ses femmes sont fines, rêveuses, elles évoquent une Asie poétique idéalisée.



La laque vietnamienne : un art identitaire sublimé


La laque traditionnelle vietnamienne (sơn mài) remonte à plusieurs siècles. D'abord employée pour la décoration des œuvres d'art et des meubles, la laque est au XXe siècle véritablement devenue un médium plastique de création, notamment grâce aux artistes issus de l'EBAI.


La technique de laque vietnamienne est révolutionnaire dans le monde : elle repose sur un travail en couches de résine, de pigments naturels, d'or, de nacre et de coquilles d'œuf, suivis de longs cycles de polissage. Le travail fin donne aux œuvres une lumière, une épaisseur et une texture irréprochables.


Aujourd’hui encore, la laque reste au cœur de l’art contemporain vietnamien. Elle est enseignée dans les écoles d’art, perpétuée par les artisans mais aussi réinterprétée par des artistes contemporains qui la détournent, la déconstruisent, ou l’intègrent à des installations ou performances.



L’héritage vivant de l’EBAI et l’art contemporain vietnamien


L'impact de l'EBAI perdure à travers les Écoles des Beaux-Arts de Hanoï et de Hô Chi Minh-Ville, mais également dans la réflexion esthétique vietnamienne : ce compromis entre culturellement enracinement et ouverture au monde reste au cœur de la création.


Aujourd'hui, il y a beaucoup d'artistes vietnamiens contemporains qui s'inscrivent dans cette filiation, tout en s'aventurant vers des formes plus audacieuses : installations, art vidéo, photographie, art conceptuel ou performance.


Parmi eux :

• Dinh Q. Lê, qui interroge la mémoire et la guerre à travers des installations tissées ou des vidéos ;

• Danh Võ, internationalement reconnu, travaille sur l’identité, le déracinement et l’héritage colonial ;

• Nguyễn Thị Châu Giang, qui perpétue la peinture sur soie dans une veine féminine et contemporaine ;

• Trần Trọng Vũ, fils de Tô Ngọc Vân, explore une veine plus conceptuelle et colorée.



Un art entre continuité et renouveau


L’art vietnamien est à la fois mémoire et mouvement. Héritier d'une richesse patrimoniale et symbolique, il s'est ouvert à la modernité par l'École des Beaux-Arts de l'Indochine, d'où s'est élaborée une esthétique unique. La scène artistique du Vietnam continue de vibrer, d’innover, de questionner, tout en portant fièrement l’héritage des grands maîtres du XXe siècle.


À travers la laque, la soie, l’huile, ou les formes contemporaines, les artistes vietnamiens tracent une voie singulière dans le monde de l’art : un dialogue constant entre le passé et l’avenir.

 
 
 

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